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Vénérables et honorables parlementaires,

Le gouvernement Anatole Collinet Makosso venait de soumettre à votre approbation, un projet de loi portant sur un Plan national de développement. Quinquennal (2022 – 2026), il s’articule sur six piliers stratégiques : la promotion de l’agriculture, de l’industrie, des zones économiques spéciales, du tourisme, de l’économie numérique et de l’immobilier. A propos, la ministre Ingrid Olga Ebouka Babackas à qui était revenue la mission de porter ce projet avait déclaré que c’était une production intellectuelle de haute facture made in Congo qui visait une économie forte, diversifiée et résiliente pour une croissance inclusive et un développement durable irréversible. Dit de ‘’deuxième génération’’, ce plan est, de l’avis du gouvernement, une transposition de la vision politique du Chef de l’Etat. Sans coup férir, les deux chambres du parlement l’ont approuvé, sans le moindre amendement.

Ce blanc-seing est totalement au rebours de la réalité et de la situation de notre éducation. Elle nous a surpris et indigné et pour cause : en attendant de voir si la promesse des fruits, dans cinq ans, suivra bien celle des fleurs à vous présentées, une question me taraude l’esprit : comment les deux chambres du parlement, chacune en ce qui la concerne, ont littéralement adoubé, en laissant passer comme une lettre à la poste ledit projet, sans s’inquiéter de l’état désastreux de notre système éducatif en proie à un profond marasme ? Pourquoi croyez-vous que le programme de société du président de la république, Son Excellence Denis Sassou Nguesso, consacre la capitale question de l’éducation à la dernière place au point où tout un plan puisse, pendant cinq années consécutives, ne pas y faire mention ? Vous voulez nous faire croire qu’elle a été renvoyée aux calendes grecques pour connaître le sort infructueux des années 2012 – 2014 proclamées années de l’éducation de base ? En vous abstenant de rappeler au gouvernement la grave omission de n’avoir pas inscrit la lancinante question de l’éducation au registre des urgences nationales, n’êtes-vous pas allés sur les brisées de la volonté du peuple dont vous êtes les représentants ? Jugez-en vous-mêmes.

La question du marasme de notre système éducatif est mieux connue de vous comparativement aux autres compatriotes congolais. Cette conviction m a été confortée et aiguisée par la déclaration très à propos de l’honorable député de Bokoma quand il évoquait avec force peine l’état piteux et moribond de l’école de sa circonscription électorale. C’était à l’ occasion de son passage au 7 heures dominical de Mesmin Obambe sur Radio Congo. L’empathie de ce représentant du peuple avec son électorat était un révélateur convainquant des bonnes relations de nos parlementaires avec leurs mandants. Grande donc a été ma déconvenue face au quitus des parlementaires au PND, sans le moindre amendement ni allusion à l’abysse dans lequel est englué notre système éducatif. Et pour cause ? Dans une lettre que je vous adressai en date du 6 novembre 2020 alors que vous étiez en pleine session, je titrais : ‘’Brisons le mur de la résignation et de l’indifférence : sauvons l’école’’. Ce n’était point un hymne à l’alarmisme. A la vérité, je vous alertais pour ne pas fermer les yeux sur les dangers et sur la litanie des pathologies sévères qui entravent le bon fonctionnement de notre école, pathologies au nombre desquelles on peut nommer : effectifs pléthoriques d’élèves dans les salles de classe, pénurie d’enseignants, déficit criard de titulaires, prédominance scandaleuse de prestataires sans formation ni encadrement pédagogique, pluralité de classes multigrades… et dans des conditions exécrables, défaut de tables-bancs, de laboratoires et de bibliothèques....

Au sujet du déficit en personnel enseignant par exemple, outre les données rapportées par l’honorable Bokoumaka, je vous ajoute celles des districts de Ngo et Mbon pour vous aider davantage à mieux être édifié sur la longueur, la largeur et la profondeur du précipice dans lequel se trouve notre système éducatif

Tableau exprimant les besoins en personnel enseignant

MBON

 

Primaire

CEG

Besoin

42

15

Existant

16 (38,09 %)

03 (20 %)

Déficit

24(57,14 %)

12 (80 %)


 

NGO

 

Primaire

CEG

Besoin

137

16

Existant

17 (12,41 %)

5 (31,25 %)

Déficit

120 (87,59 %)

11 (68,75 %)


 

Cette étude date de 2017 et je ne crois pas que les choses aient changé favorablement. Ces chiffres, très éloquents, peignent un tableau sombre qu’on peut transposer pour les écoles de Tokou, Ntsiaki, Mapati, Djoum, Kakamoeka, Bitala bref, de tous les districts du Congo.

J’entends encore le gouvernement clamer haut et fort que  le PND 2022 – 2026 vise une économie forte, diversifiée et résiliente pour une croissance inclusive et un développement durable irréversible. Créer des emplois et réduire le chômage des jeunes, la pauvreté, l’exode rural et les importations agricoles sont entre autres les objectifs de ce PND soutient-on au gouvernement. Je veux bien vous croire mais à quoi sert-il de promettre or et argent à un mourant en le gardant loin de la clinique où l’on devrait prendre soin de sa santé. Jugez-en vous-mêmes !

De deux choses l’une : la question de la sortie du marasme de notre système éducatif a-t-elle été oubliée ou ignorée ?

Vénérables et honorables parlementaires,

Connaissant votre patriotisme et votre ferme volonté de répondre aux préoccupations du peuple, j’ai foi que vous comprendrez que l’ampleur de la gangrène de notre système éducatif est de nature à faire qu’un plan Marshall soit adopté pour l’école congolaise. Ceci fera taire les méchantes langues qui insinuent qu’en vérité, le Gouvernement veut à demi-mots nous signifier que l’Etat-providence est mort et qu’il appartient à chacun de prendre soin des études de sa progéniture d’après l’adage qui dit : « Chacun pour soi, Dieu pour tous ». Voici venu le temps et le point nommé de greffer impérativement aux six piliers du PND, une septième colonne cardinale qu’est l’éducation. En effet, à défaut de cette stèle, le PND sera semblable à une structure imposante bâtie sur du sable mouvant si nous reconnaissons que l’homme compétent est le principal animateur de cet édifice qu’est le PND. Ne pas en tenir compte, c’est faire preuve de cécité et aller au-devant des mécomptes et hypothéquer l’avenir de tous ces efforts.

Vénérables et honorables parlementaires,

Albert Camus déclarait : « Même l’abstention est un choix ». Voilà pourquoi j’ai choisi de parler et de ne pas craindre les laudateurs qui viendront à vous pour m’accuser de soulever la poussière alors que mes pieds sont bien dans l’eau. J’ai choisi de parler de crainte d’être coupable d’un crime : la non-assistance à enfant en péril. Je veux dire que je ne pouvais consentir à me faire hara-kiri, en sciant la branche sur laquelle je suis assis par mon silence coupable.

Georges Jacques Dantan écrit avec raison que « Après le pain, l’éducation est le premier besoin d’un peuple ». En vérité, en vérité je vous le dis, la fusée du développement ne pourra être lancée si en amont nous n’avons pas mis en marche son moteur qui a pour nom éducation de qualité pour tous. Si donc nous ne nous levons pas pour nous occuper efficacement de nos enfants par une éducation de qualité, ils s’occuperont de nous de la pire des manières : voilà pourquoi nous avons commencé à les voir se convertir allègrement en Bébés noirs, Kulunas, Arabes ou Américains. Le pire est à venir si nous ne nous laissons pas avertir. Rome brûle, cessons de chanter et regardons tous dans la même direction.

Vénérables et honorables parlementaires, je vous prie de trouver ici toute l’expression de ma très haute considération.


 

Patrice TSOUMOU

Président de la Dynamique pour la Promotion de

l’Education de Qualité Pour Tous & Développement

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