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Au hasard d’une rencontre, Severinnews s’est retrouvé dans une caserne militaire à Dolisie. Ici, nous avons fait la rencontre du sergent-chef Jean-Claude Kimvouka qui,  à ses heures de vacance, s’y prête aux travaux de maraîchage. L’homme a répondu à nos questions. 

 Pour ne pas atteler la charrue avant les bœufs, qui êtes-vous ?

Je suis un citoyen congolais, né à Lékana dans le département des Plateaux. J’ai choisi de servir mon pays en optant pour le métier des armes comme vous le voyez si bien. Et je suis présentement en service à Dolisie.

Vous êtes donc un soldat, un homme rompu au métier des armes. Aucune référence à l’action agricole que vous  faites pourtant avec art à la seule vue de ce jardin que vous cultivez dans la caserne

 Il est vrai que je n’ai point fait des études d’agronome mais il y a toujours l’agronome en la plupart de beaucoup de Congolais. Vous savez que nous sommes issus de parents paysans et il y a en cela le lien de sang qui fait de nous des agriculteurs potentiels. Enfants, nous avons accompagné nos parents aux champs, nous avons même tenu la houe ou la machette, voyez-vous ! Nous sommes des agronomes-nés : la chose est dans le sang, n’est-ce pas ?

Il y a de l’agronome qui sommeille en nous mais il reste que nos goûts sont ailleurs. Difficile de voir un cadre congolais s’abaisser et faire ce que vous faites…

« S’abaisser » dites-vous ? Faire du maraîchage, est-ce s’abaisser ? Je ne crois pas. Et si nombreux Congolais croient que le faire c’est s’abaisser, je suis plutôt d’avis que c’est une vision complètement erronée qu’ils ont. Je suis à la solde de ma raison, je travaille librement, conscient que ce travail pourvoira, dans une moindre mesure, à mes besoins ; où est l’humiliation pour dire que je m’abaisse. Non, monsieur le journaliste, je fais un travail d’une noblesse insoupçonnée : je ne m’abaisse pas, je m’élève au contraire. Et vous voyez que je ne suis pas seul, deux autres compagnons d’armes se sont joints à moi à ce propos. Il nous faut, en vérité, changer de paradigme. Martin Luther King déclarait avec raison que « tout travail qui aide l’homme a de la dignité et de l’importance », n’est-ce pas vrai ?

Et si je vous comprends bien, vous êtes à l’orée d’une expérience que vous comptez pérenniser, c’est bien cela ?

Vous l’avez si bien dit. Pour que vous compreniez ma réponse à votre question, permettez-moi de vous conter une anecdote. Le premier jour où il m’a été servi à table les légumes de mon jardin, je vous avoue que j’ai eu trois fois plus d’appétit qu’en tout autre jour. Je vous le dit en vérité, j’ai mangé à satiété, réalisant que je consommais là le fruit de mon propre travail. Vous comprenez donc que c’est pour moi une expérience à capitaliser, une vision à poursuivre sauf quand une cause de force majeure comme l’état défectueux de ma santé me l’interdirait. J’ai mangé le pain issu de la sueur de mon front, il est doux et nourrissant.  

Et s’il vous était demandé de conclure cet entretien

Si vous avez lu Voltaire, souvenez-vous de la leçon que nous donne le personnage de Candide. Pris dans le filet de la naïveté en suivant les enseignements de son maître à penser Pangloss, enseignements qui le noyait dans un océan d’optimisme béat à tous égards, il finit par prendre la résolution d’abandonner ces stériles réflexions philosophiques pour cultiver son jardin, déclarant que « le travail éloigne de nous trois grands maux : le vice, l’ennui et le besoin ». Il serait fort souhaitable que chacun, que chaque Congolais, apprenne à cultiver son jardin. Et pendant les vacances scolaires, chaque parent y conduirait ses enfants pour les initier à cet exercice, au travail manuel. Ils apprendraient, au bout du compte, à goûter au fruit de leur propre travail au lieu d’être scotchés à longueur de journée aux dessins animés ou à s’extasier à la vue des images de Facebook.

La sagesse dit que « deux valent mieux qu’un » et que « la corde à trois fils ne se rompt point facilement ». Sur la base de ces paroles de sagesse, j’envisage comment, avec plus d’associés, nous pourrions nous investir pour financer, avec plus de moyens bien sûr, la culture des espaces plus importants. C’est actuellement pour moi une préoccupation. Et si tous ou le plus grand nombre de mes concitoyens adhéraient à cette vision, on en arriverait à avoir pour devise : ‘’Un Congolais, un champ’’. Et du coup, on résoudrait en partie le problème de la lutte contre la pauvreté et la faim. Non ?

Je me permets encore un rêve : je vois, demain, les parents entraîner leurs enfants, pendant les vacances scolaires, à travailler avec eux dans leurs champs. Chaque parent aurait ainsi pour ses enfants un chantier-vacances et l’on aurait résolu aussi la question de nos enfants qui sont abonnés à l’oisiveté. L’on sait les fruits amers de cette oisiveté à la vue de ces enfants qui, dans nos quartiers, intègrent malheureusement des groupes de gangs du genre ‘’Américains’’ ‘’Arabes’’ et que sais-je !

Initier les enfants au travail de la terre ce serait une saine occupation qui susciterait, à ne point douter, des vocations précoces pour nos enfants et donnerait un plus à leur éducation. Ils verraient ainsi, de façon pratique, ce qu’ils apprennent de manière théorique par les récitations du genre : ‘’Le paysan bachelier’’, ‘’Le laboureur et ses enfants’’, ‘’La cigale et la fourmi’’. Je me demande si l’on apprend encore ce genre de récitations.

Et si demain, à l’école, on instituait à nouveau l’heure du travail manuel pour initier les enfants au travail de la terre, on ferait indubitablement une entrée dans ce qu’on a nommé hier ‘’L’école agréable’’. Non ? Je dis ‘’à nouveau’’ car en notre temps, dans nos écoles du village, le travail manuel était bien à l’ordre du jour. Avec l’initiation des enfants au travail manuel, je le crois sans être pédagogue, on aura des enfants qui auront la tête d’intellectuel et les mains de paysan. Des enfants en lesquels se réveilleraient bien de vocations dès leur prime enfance. Le jeu en vaut la chandelle car il y a beaucoup de repères qui ont été perdus aujourd’hui. Ce n’est qu’un point de vue.

Propos recueillis par Lazare MPIA MBI

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