La casse se poursuit dans les marchés de Brazzaville ! Pour la deuxième fois de suite, le marché Total, l’un des plus grands de la capitale congolaise a encore été visité mercredi et jeudi par les casseurs, conduits de main de maître par le maire de Makélékélé, Maurice Maurel Kihounzou. Des policiers et des gendarmes, tous armés, comme on le voit sur cette photo, ont suivi pas à pas la sale besogne du bulldozer, s'assurant que tout se passait bien.
Des foules, encore des foules ont été massées vers midi sur l’avenue de l’UA pour constater comment les baraques, les kiosques et les boutiques ont été jetés au sol. Au devant de la scène, le maire de Makéléklé n’avait qu’un seul mot à chacun coin de rue « Cassez-moi ça ! », ajoutant parfois : "ça aussi"
Organisés par le maire en bande de casseurs, des dizaines de jeunes, sans emploi, s’attaquent à tout édifice érigé dans ou près de la rue. Affamés et démunis, ils profitent donc de cette opération pour mettre dans la poche quelques articles des commerçants, surpris et dispersés par la troupe de Maurel. Nantis de marteaux, d’arrache-clous, de machettes et de scies, cette muette de jeunes ne laisse rien sur son passage. Très zélés et enthousiasmés, nombreux étaient même déterminés à faire plus que le bulldozer (voir photo ci-contre) qu’ils accompagnaient.
Depuis lundi dernier, un climat morose régnait au marché Total. Des magasins tenus par des Libanais, des Chinois et autres sujets ouest africains sont restés fermés pendant des heures, les propriétaires redoutant des pillages et des casses de la part des jeunes vendeurs ambulants, déguerpis. Ces jeunes, dont les gagne-pains ont été détruits avaient sévèrement mis en garde ces commerçants étrangers, si jamais ils tentaient d’ouvrir, ils seront pillés.
Le petit marché de Moukoundzi Ngouaka, non loin de l’imprimerie Auguste à Makélékélé a quasiment disparu, tumefié et défiguré par la casse des boutiques et autres kiosques. Un sujet malien a eu sa boutique voler en éclats. Heureusement pour lui, toute la marchandise avait déjà été déplacée.
Grincements de dents, pleurs et plaintes. Tous les petits commerçants ont les mains sur la tête. « Nous ne vivons que de ça, maintenant où allons-nous partir et que deviendrons-nous ? » s’est interrogé éperdument un jeune détenteur d’un kiosque au marché Total.
« Le pays est foutu ! Au lieu de nous trouver du travail, ils viennent encore nous tuer, gaspiller ce que nous faisons pour tenter de survivre dans un monde où si vous n’avez personne dans le giron politique, vous mourrez de faim », s’est plaint Régis, détenteur d’un cafeteriat au marché Bouemba à Ouenzé.
Commencée le 11 septembre 2009 sous la houlette du maire de Brazzaville, Hugues Ngouelondele, cette opération devra se poursuivre dans tous les arrondissements de Brazzaville. « Désormais, ça sera comme ça. Nous déguerpuirons tous ceux qui occuperons le domaine public. Nous demandons aux populations de coopérer », a lancé le maire de Brazzaville.
Avec 70% de la population vivant avec 500F Cfa par jour, et quelque 35% des jeunes chômeurs, le Congo est devenu un pays où il faut se débrouiller pour vivre. Sortis des grandes écoles de journalisme, de droit et d’économique ou de médécine, plusieurs jeunes diplomés ne survivent que grâce au petit commerce au coin de rue. Nombreux gagnaient 500F Cfa en aidant une tante à vendre des beignets et de la bouillie dans un hangar en bâche, et d’autres servaient des maigres mets dans des gargottes de fortune. Tout cela a été cassé et rasé, ils vont donc repartir en chômage.
Les autorités municipales qui percevaient de l’argent sur ces comerçants ambulants ont été confondus par leurs victimes qui les assiégés comme à Talangaï. « Nous allons vérifier, s’ils avaient donner l’argent et qu’ils refusent de s’installer dans le marché de Massa, nous allons leur rembourser leur argent », a promis Privat Ndeke, maire de Talangaï.