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@Une école primaire dans le Pool
@Une école primaire dans le Pool

Inexorablement, insensiblement, le temps s’en va. Après l’effet anesthésiant des festivités du 56ème anniversaire de notre indépendance, le devoir nous amène, gouvernement, parents et élèves, à fixer nos regards sur la rentrée scolaire. Les résultats aux examens d’Etat se révélant catastrophiques et témoignant ainsi que notre système éducatif est bien en panne, faut-il laisser enseignants et élèves repartir à l’école, comme si rien n'était?

Les résultats de nos enfants aux examens d’Etat ont été rendus publics. Au bac général sur un total de 76 039 candidats au départ, 15 619 ont été déclarés admis soit un pourcentage de 21,26%. Au bac technique, sur 18 934 inscrits, le taux de réussite a été de 29,74% a-t-on appris. A l’observation, au bac d’enseignement général, le taux d’admission est en nette hausse comparativement à celui de l’année dernière qui était de 10,8%. Au bac technique par contre, les résultats sont en nette régression par rapport à ceux de l’année dernière qui étaient de 48,22%. Déjà en 2014, le taux de réussite ici était de 27,13%.

Le bond du taux de réussite au bac général de cette année – de 10,8% à 21,6% – a fait dire à M. l’inspecteur d’histoire géographie Georges Litoundji que ce sont « des résultats encourageants ». Notre consœur La Semaine africaine qui s’est fait l’écho de ces propos, s’en est inspiré et a titré à la Une : ‘’Ministère de l’enseignement primaire, secondaire et de l’alphabétisation : encourageant pourcentage de réussite cette année’’. Parlons sans gants : c’est une véritable fausse consolation. Il n’y a pourtant point d’illusions à se faire, les résultats sont chaotiques, très en-deçà de la moyenne. C’est un signe plausible qui témoigne que le système éducatif est bien en panne même si notre confrère Le Patriote peut jeter les fleurs à « deux ministres qui ont gagné leur pari dans ce laps de temps (NDLR : les 100 jours du gouvernement Mouamba) en organisant avec brio les examens d’Etat ».

Les résultats aux examens sont catastrophiques et notons-le, cela ne date pas de cette année seulement. Ne fermons donc point les yeux pour ne pas voir. A plusieurs reprises, dans nos colonnes, nous n’avons eu de cesse de sonner l’alarme. En 2009, dans notre livraison n° 73 par exemple, en nous penchant sur les résultats au BEPC au district de Lékana, nous titrions : ‘’Education nationale : 3 CEG, 6 admis au BEPC à Lékana : un échantillon d’un système éducatif en panne’’. Dans nos investigations au sujet des tenants et aboutissants de la mésaventure de nos élèves de céans, il y avait l’absence partielle dans les trois établissements d’un corps professoral qualifié : 3 professeurs titulaires au CEG de Lékana (le 3ème, celui de l’EPS n’était arrivé qu’au 3ème trimestre), 2 titulaires à Kébara et un seul à Lagué. Pour les autres matières, écrivions-nous, ceux qui font office d’enseignants sont des vacataires recrutés sur le tas et irrégulièrement payés par la bourse des parents.

Au sujet de l’insuffisance en personnel enseignant, nous écrivions : « Insuffisance endémique des enseignants dans les établissements scolaires ! Le cas du district de Lékana n’est pas sui generis. Ils sont nombreux ces établissements où, depuis des années, il y a bien une traversée du désert en matière d’enseignants ». Et nous en venions à nous demander : « Et pourtant, combien ont leur qualification professionnelle dans ce domaine et attendent vainement d’être recrutés dans la Fonction publique. Pour l’amour de la nation, combien dans les rangs de la Force publique sont en même d’exercer en qualité d’enseignants mais n’ont malheureusement rien à faire, si ce n’est que se lever chaque jour et aller ensuite assister uniquement au rassemblement avant de revenir à la maison, attendre leur régulière élévation en grade »

C’était donc en septembre 2009 que nous sonnions ainsi l’alarme. Qui s’est laissé avertir pour convoquer les états généraux de notre système éducatif ? Personne.

Les Latins le disent si bien : abyssus abyssum invocat (L’abîme appelle l’abîme). En 2013, le témoignage de notre confrère Fidèle Mombouli en mission à Bouanéla dans la Likouala est ahurissant. Sur les antennes de Radio Congo, il déclarait que cette circonscription scolaire présentait un tableau sombre car les structures d’accueil ne favorisaient pas un bon apprentissage. A propos de ces structures d’accueil, Jean-Bosco Eyamolo, le professeur d’anglais qu’il avait abordé témoignait : « Tout est délabré ! L’établissement en lui-même est construit en matériaux ramassés : nous avons le bois, la paille et tout çà. Et quand vous regardez maintenant la toiture : c’est inhumain ! Il y a non assistance à personne en danger. Nous prenons beaucoup de risques à garder les enfants dans de tels bâtiments. En réalité, quand vous le regardez, c’est des choses qui ne devraient plus exister (…) C’est vraiment une honte ! »

Egrenant les grains du chapelet de leur calvaire, Sylvestre Bozana, professeur d’histoire-géographie révélait à notre confrère, qu’ils étaient abandonnés à eux-mêmes : «La difficulté que j’éprouve dans la profession témoignait-il c’est le manque d’encadrement. Les inspecteurs sont rares dans notre localité à tel point que nous nous débrouillons par nos propres efforts. Souvent, j’ai un frère qui est à Brazzaville qui m’envoie au moins les documents qui sont dans ses services ». Sur ce point, Jean-Bosco Yamolo, enfonça le clou : « Nous sommes dans des difficultés que l’on ne peut pas imaginer. Je n’ai aucun document au programme. Je prépare mes cours avec le peu de documents personnels que j’ai. J’essaie d’imaginer quelque chose par rapport au programme et de voir à quel cours et à quel moment on peut faire ceci ou cela. Ce que nous faisons, c’est au risque et péril ». Un élève de 3ème abordant notre confrère lui confia

qu’ils n’avaient pas de professeur de français de la 6e en 3e. Et que faites-vous pour bien écrire lui demanda-t-il : « On se débrouille comme çà » lui répondit-il, résigné, avant de lui formuler cette demande : « Je demande à M. le ministre de nous envoyer des enseignants parce que tel que nous sommes ici, il n’y a que des vacataires et nos parents n’ont pas assez de moyens pour payer leurs frais de prestation »

Dans le cadre de la mise en musique de son programme d’activités, le gouvernement décrétait les années 2013 et 2014 comme années de l’Education de base. Des années spéciales pour le MEPSA. Quel bilan en retour pourrait-on se demander ?

A cette question on peut, sans risque de se tromper, avouer que les gémissements des parents et élèves ici et là semblent être un langage pour dire que la promesse des fruits n’a pas suivi celle des fleurs. Années de l’éducation de base ! Le simple décret ne suffisait pas. Mieux, ce décret aurait été pris à l’issue d’un conseil, des états généraux de l’éducation qui auraient défini avec une précision chirurgicale tout en les hiérarchisant les grandes préoccupations, les objectifs à atteindre pour réhabiliter notre système éducatif qui se meurt.

Années de l’éducation de base ! En ces deux ans, qu’a-t-on fait pour désengorger les classes à effectifs pléthoriques, combien d’enseignants ont été recrutés pour résorber le sempiternel déficit monstrueux en personnel enseignant ? En somme, pendant ces deux ans de ‘’municipalisation accélérée’’ de l’Education de base, qu’est-ce qui devrait s’y faire et selon quel chronogramme ? Silence hôpital ! A quelle hauteur ce programme d’actions a été exécuté ? Mystère !

Aujourd’hui encore, on crie, on gémit. Gaston Miemboula, le directeur du CEG de Lagué à qui nous avons posé la question de savoir ce qui justifie ce cuisant insuccès de ses élèves au BEPC nous a confié, non sans amertume : « Dans mon établissement, en dehors du directeur, professeur titulaire de sciences physiques, il n’y a aucun autre professeur. Ceux qui tiennent les autres cours ne sont que des vacataires et qui n’ont à peine que le BEPC. Que peuvent-ils faire ? Et en plus, ceux qui peuvent mieux faire sont découragés par le paiement irrégulier de leurs frais de prestation. Si les centres comme celui de l’Angola sont en tête de liste, c’est parce qu’en amont, toutes les conditions sont réunies, ce n’est pas parce qu’ils sont des extra-terrestres. Et les autres élèves sombrent dans les profondeurs abyssales de l’insuccès parce qu’ils sont des laissés-pour-compte »

Ces témoignages seraient-ils un simple arbre qui cache la forêt des réalisations du Gouvernement dans le domaine de l’Education ou serait-ce au contraire un langage qui révèle que nos managers publics à qui la mission a été confiée pour mettre en chantier la politique gouvernementale pour la promotion du secteur éducatif, n’ont semé que du vent ?

La réponse à notre niveau est vraiment difficile à être donnée. La principale raison est que nos administrations publiques ont l’allergie de la communication. Ceux qui d’aventure y vont pour obtenir des informations sont regardés comme des pestiférés. On entretient le mystère autour de tout.

Au total, que dire ? Avec Aimé Césaire, convenons qu’on ne montre de bonnes choses qu’à qui a de bons yeux, le reste il le voit lui-même. En matière d’éducation nationale, évitons de porter les gants et disons-le vertement et ouvertement : notre système éducatif est bien malade et c’est l’avenir du Congo qui est ainsi hypothéqué. Comme l’écrit Lamartine, « Honte à qui peut chanter pendant que Rome brûle s’il n’a l’âme et la lyre et les yeux de Néron ». Il n’est point temps de chanter mais il est temps plutôt de décrier un système éducatif qui porte en lui les gênes de la ruine du Congo de demain. Il nous faut parler et malheur à qui choisit l’abstention et se tait en ce siècle de la ‘’responsabilité partagée’’ pour reprendre l’expression de Denis Sassou Nguesso. Albert Camus l’a déjà dit, « même l’abstention est un choix ». Il nous faut aider nos managers en charge de l’éducation nationale à comprendre que voici venue l’heure de la chirurgie en lieu et place des baumes, fussent-ils analgésiants, que nous préférions appliquer sur l’abcès de notre système éducatif. Crever l’abcès ce ne sera point dire à coup de décrets que demain, le CP1 sera le F1 et le BEPC sera le BEMG (…) Il est établi que nos enfants aujourd’hui vont à l’école pour apprendre à devenir de ‘’futurs analphabètes’’. L’heure est donc grave. Tous ensemble, levons-nous pour être au chevet de ce malade qu’est notre système éducatif (…) Il y a fort à faire, ne nous leurrons pas

Trêve de jérémiades donc ! Invitons-nous autour d’une table et cogitons. Ne cherchons pas à nous perdre en conjectures en nous accusant réciproquement, mettons-nous au travail aux fins d’accoucher des stratégies pour la promotion de notre système éducatif ; mettons-nous au travail pour l’avenir de nos enfants, pour le devenir de notre nation.

S’inquiéter sur les résultats aux examens de nos enfants ce n’est point nier qu’en matière d’examen il y a toujours une sélection selon un axiome bien connu : beaucoup composent mais peu d’admis. Non, nous ne disons pas qu’il faut s’abonner au populisme par le biais d’une massification des réussites aux examens. Il faut tout aussi dire que cet axiome n’est toujours pas vrai. Au Rwanda, le taux de réussite au bac est à 81% en 2014.

En somme, retenons que plusieurs paramètres sont à l’origine des échecs aux examens. Nous avons, dans quelques cas cités plus haut, noté par exemple qu’il y a la carence en matière d’enseignants titulaires, les infrastructures d’accueil qui ne répondent pas, la pléthore d’élèves dans les classes pédagogiques, interdisant ainsi, dès l’entame, un contrôle de connaissances efficace par l’enseignant et cet autre drame manifesté par ces élèves qui, à longueur d’année suivent les cours assis à même le sol…

La question serait de savoir, par exemple, est-ce que ces élèves, mis dans les conditions idéales d’apprentissage, depuis les classes fondamentales, auraient aussi échoué à leurs examens. Il y a donc bien de questions à résoudre. Rome brûle, cessons de chanter. Ne feignons pas de ne pas voir.

Taux nationaux du Bac 2014 en Afrique francophone

Rwanda 81,9% ; 2- Cameroun : 53,05% 57,14 (2015) et 52,72 (2016) ; 3- Tunisie : 49% ; 4- Madagascar : 47,59% ; 5- Algérie : 45,01% ; 6- Maroc 43,06% ; 7- Togo : 42% ; 8- RDC et Burkina Faso : 37,04% ; 9- Côte d’Ivoire : 36,23% ; 10- Niger : 35,21% ; 11- Guinée Conakry : 34,69% ; 12- Benin : 32,5% ; 13- Congo : 25,4% ; 14- Sénégal : 20% ; 15- Mali : 16,24% ; 16- Gabon : 13,88%, 44,81% (2015) et 39,68% (2016) ; 17- Comores : 10,5% ; 18- Mauritanie : 9% ; 19- Tchad 8% ; 20- RCA : 6%

Tag(s) : #Ecole congolaise, #BAC 2016, #Patrice Tsoumou, #Congo-Brazzaville, #BrazzaPLUS
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