Le président de l'Association pour les droits de l'Homme et l'univers carcéral (ADHUC), Loamba Moke a appelé, dans une déclaration publiée le 9 août, le gouvernement congolais à impliquer désormais les populations autochtones dans sa politique foncière. Considérées comme des maitres de la forêt et d'autres espaces savaneux, les populations autochtones manquent pourtant parfois des terres pour cultiver ou pour installer un campement.
Cette déclaration a été faite à l'occasion de la célébration de la journée internationale des populations autochtones. Chaque année, à cette date, le monde entier se souvient qu'il y a des pygmées, ces populations abandonnées et négligées, qui vivent en marge de la société congolaise.
Faute de prouver leur nationalité, leur histoire, sciemment confuse par les bantous, ne leur permet pas de bien retracer les droits de terre. Et les bantous, dans les villages de la Lékoumou, du Niari, du Kouilou, du Pool, des Plateaux, de la Sangha ou de la Likouala, se targuent le droit d'avoir leurs propres pygmées. Bénéfice: ils ont en retour les sous-hommes et leurs terres.
Une fois l'année, on boit, on mange et on festoie au soleil tropical à l'honneur de nos ancêtres les pygmées, les gars auxquels nous avons dépossédé les terres. Les hommes et les femmes auxquels nous avons volé les terres. Eux ne savent pas où aller. Ils s'installent dans les lisières des villages, terrorisés par les bantous qui leur arrachent femmes et enfants...les bastonnent à longueur de journée parce qu'ils s'approchent trop de nous.
Depuis quelques années, l'Etat congolais a entrepris une politique de réforme foncière. Souvent, pour prouver l'appartenance à une terre, les commis de l'Etat exigent aux populations de présenter un titre foncier. Le pygmée l'aura où, lui-même déjà n'a pas de pièce d'identité, pour lui et pour son fils. Ne se préoccupera-t-il seulement du papier de sa terre? Prenez pour vous et laissez-nous nous balader dans les forêts.
Dans certaines circonstances, l'Etat demande juste des témoignages des villageois pour certifier que la terre appartient à telle famille. Mais qui va témoigner pour les autochtones? Le commis de l'Etat sait lui-même déjà que ces gens-là n'ont pas de terre. Et donc quand les buldhozers des forestiers passent, ils raclent et les biens et l'histoires de nos amis. Toute une civilisation disparaît en un coup de tractopelle, écrasée et laminée sur le passage d'un D7 ou d'un D8 en débardage avec des grumes d'Okoume.
Voici l'intégralité de la déclaration publiée par l'ADHUC :
DECLARATION DE L’ASSOCIATION POUR LES DROITS DE L’HOMME ET L’UNIVERS CARCERAL, A L’OCCASION DE LA CELEBRATION DU 09 AOUT JOURNEE MONDIALE DES POPULATIONS AUTOCHTONES, 2016.
Situation des Populations Autochtones en République du Congo.
« L’Association pour les Droits de L’Homme et L’Univers Carcéral se tient débout avec les Populations Autochtones », plus qu’une déclaration, ceci est un engagement en sa qualité de Point Focal du Groupe de Travail sur les Populations/ Communautés Autochtones de la Commission Africaine des Droits de L’Homme et des Peuples en République du Congo.
Le Congo a, en effet, créé un environnement favorable au niveau du renforcement de l’égalité entre tous les citoyens du pays.Depuis, la volonté politique de la République du Congo d’œuvrer pour la promotion et la protection des droits des populations Autochtones s’est manifestée à travers diverses initiatives louables promues. Au nombre de celles-ci, on peut mentionner :
- L’adoption et la promulgation par Son Excellence, Monsieur Denis SASSOU NGUESSO, Président de la République en février 2011 d’une loi en faveur des populations autochtones dite « Loi portant promotion et protection des droits des populations autochtones », laquelle est la première du genre en Afrique. Cette loi leur garantit les droits civils et politiques, économiques, sociaux et culturels et le droit à un environnement sain. Les décrets d’application qui permettraient les populations autochtones de bénéficier de la plénitude jouissance de leurs droits sont en cours d’élaboration.
- En plus de la loi, le Gouvernement du Congo a entrepris plusieurs actions importantes qui contribuent à la reconnaissance, à la promotion et à la protection des droits des peuples autochtones, dans le but de réduire l’état de vulnérabilité auquel cette frange de la population congolaise est confrontée. Il s’agit, entre autres, sur le plan social, de l’inauguration par le Ministère des Affaires Sociales, de l’Action Humanitaire et de la Solidarité, du siège du Réseau National des Populations Autochtones du Congo (RENAPAC), le 30 novembre 2009. Un plan national de protection des droits des populations autochtones a également été mise en place grâce à l’appui des Agences du système des Nations-Unies. Ce planpropose des mesures concrètes pour promouvoir les droits des populations autochtones. Depuis 2007, le Congo abrite un Forum International sur les Populations Autochtones en Afrique Centrale (FIPAC).
- Au plan institutionnel, un Comité de suivi et d’évaluation de la promotion et de la protection des droits des populations autochtones est prévu au sein du Ministère de la Justice des Droits Humains et de la promotion des Peuples Autochtones.En outre, le Gouvernement a accepté des recommandations concernant les populations autochtones à la suite de l’examen de son rapport sur la situation des droits de l’homme dans le cadre du mécanisme de l’Examen Périodique Universel( EPU) du Conseil des droits de l’homme des Nations-Unies en 2013. Le Congo a également accueilli du 2 au 12 novembre 2010, la visite du Rapporteur Spécial sur les droits des peuples autochtones qui a rédigé, à la suite de sa visite, un rapport sur la situation des peuples autochtones au Congo dans lequel il formule un certain nombre de recommandations pour la prise en compte effective des droits des peuples autochtones au Congo.
- En Juillet 2012, le Ministère de la Justice et des Droits Humains a organisé à travers la Direction Générale des Droits Humains et des Libertés Fondamentales, un Atelier national de renforcement des capacités sur l’application et le suivi de la mise en œuvre de la Loi n°5-2011 portant promotion et protection de droits des populations autochtones. Cet atelier qui a été organisé, avec l’appui financier et technique des Agences du Système des Nations-Unies, a permis aux différents acteurs impliqués d’apporter des amendements aux projets de décrets relatifs à la loi ci-dessus visée.
Depuis 2015, la République du Congo s’est dotée d’une nouvelle constitution dite « Constitution de la Nouvelle République ». La nouvelle constitution, du 25 octobre 2015, institutionnalise l’équilibre des pouvoirs traditionnels et met en place un système de décentralisation censé répondre aux besoins de toutes les couches sociales de la population du pays. Les droits de toute personne, à prendre part à la direction des affaires publiques du pays, sont reconnus dans son préambule et renforcés par l’art. 15 sur les droits, libertés et devoirs des citoyens.
Cette nouvelle constitutionest sensible à la situation des populations autochtones. Selon l’article 16 : « La loi garantit et assure la promotion et la protection des droits des peuples autochtones». L’introduction de cet article, dans la loi fondamentale,montre encore une fois la volonté affirmée du Congo dans la lutte contre toute forme de discrimination à l’égard des populations Autochtones dans la vie publique et dans la vie privée.
Pour répondre aux attentesde toutes les couches sociales de la population sans distinction, cettemême constitution a institué des Conseils consultatifs nationaux. Les différents conseils consultatifs reconnus par la constitution de la Nouvelle République.
Sur la listedes initiatives visant la promotion des droits des populations autochtones, dans le cadre de la Nouvelle République, il faut aussi noter la création d’un Ministère de la Justice, des Droits Humains et de la promotion des Peuples autochtones.
Malgré cette volonté du pouvoir à assurer la promotion et la protection des peuples autochtones, cette nouvelle constitution et d’autres instruments juridiques notamment la Loi n°5-2011 portant promotion et protection des droits des populations autochtones ainsi que les mécanismes juridiques qui sont sensés assurer leur promotion et participation à la vie publique restent peu connus des citoyens et des Autochtones eux-mêmes, titulaires de ces droits.
Face à cette situation, l’Association pour les Droits de l’Homme et l’Univers Carcéral (ADHUC)/ Point focal de Groupe de Travail sur les Populations/communautés autochtones de la Commission Africaine des Droitsde l’Homme et des Peuples (CADHP), appelle :
Le Gouvernement du Congo :
- à ratifier la Convention N° 169 de L’OIT ;
- à honorer les engagements qu’il a pris en vertu de la Déclaration des Nations-Unies sur les Droits des Peuples Autochtones (2007) et du Document final de la Conférence mondiale sur les Peuples Autochtones (2014) ;
- à collaborer et à coopérer avec les Populations Autochtones, les Organisations de la société civile, les Organisations des Nations-Unies et la Commission Africaine, pour la reconnaissance et une meilleure protection et promotion des droits des Peuples Autochtones,
- à impliquer les Populations Autochtones dans la gestion de la politique foncière,
- à observer et suivre scrupuleusement le principe de consentement libre, préalable et éclairée, tel que défini par les instruments des droits de l’homme, pour la planification et la mise en œuvre de projets de développement qui ont un impact sur les communautés autochtones ;
- à intégrer les membres du Réseau National des Populations Autochtones du Congo (RENAPAC) dans les conseils consultatifs.
A l’occasion de la journée internationale des populations autochtones, L’ADHUC/ Point focal du Groupe de Travail sur les populations/communautés autochtones de la Commission Africaine des Droits de L’Homme et des Peuples (CADHP) se tient aux côtés des Populations Autochtones à travers le monde en général et avec ceux d’Afrique en particulier, pour célébrer cette journée avec eux et réaffirmer leur volonté à continuer à s’impliquer à l’amélioration de leur situation.
Fait à Brazzaville, le 09 Août 2016